L'AFP dans le collimateur

[maverick]

L'AFP dans le collimateur


Tentative de déstabilisation politique ou simple volonté d'imposer un nouveau modèle économique à l'agence ? Le rapport Giazzi, qui préconise la privatisation de l'Agence France Presse a été accueilli avec inquiétude.




Le rapport Giazzi préconise de transformer l'AFP en société anonyme
L'AFP est-elle dans le viseur de l'Elysée ? En tout cas, le rapport Giazzi sur l'avenir de la presse qui préconise la transformation de l'agence en Société Anonyme n'est pas la première salve que le pouvoir tire contre l'AFP.

Déjà en avril dernier, le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre était monté au créneau pour dénoncer une « censure » dont il estimait avoir été victime. Le sniper du président mettait en cause l'agence concernant deux communiqués sur Ségolène Royal que la rédaction n'avait pas jugé utile de diffuser.

La ministre de la Culture, Christine Albanel avait alors suggéré que « l'AFP mette à disposition de ses abonnés l'ensemble des communiqués de presse des partis et des organisations syndicales sur un espace spécifique ». Une proposition qui avait suscité pas mal de remous, les syndicats répliquant que Christine Albanel avait « une idée assez vague du travail des journalistes » et que l'AFP « n'était pas, jusqu'à nouvel ordre, une agence de pub ou de communication ».

Nicolas Sarkozy revanchard contre l'AFP ?
Quel lien avec le rapport Giazzi ? A priori, aucun. Pas si simple, si l'on en croît, le journaliste « médias » du Point, Emmanuel Beretta qui écrivait récemment sur son blog : « Nicolas Sarkozy en veut à l'AFP, c'est un secret de polichinelle. L'agence France presse a eu le malheur de délivrer des informations erronées sur sa vie privée (à l'époque, on a maquillé tout cela derrière le paravent de la condamnation de Ségolène Royal, mais ce n'était pas le vrai motif du courroux présidentiel). Des voix à droite se sont alors élevées pour réclamer une « privatisation de l'AFP ».

C'est ce que péconise le rapport Giazzi : transformer l'agence en société anonyme, lui permettant de se doter d'un capital et de fonds propres et d'ouvrir le capital «si nécessaire». Danièle Giazzi propose ainsi de doter l'AFP d'un «actionnaire clairement identifié et stable», sans préciser lequel. «En contrepartie de ces facilitations», elle recommande d'ouvrir le conseil d'administration de l'AFP à «des acteurs de l'internet».
Des propositions accueillies avec scepticisme au sein de l'agence : «Nous sommes inquiets pour tout ce qui touche aux statuts de l'agence, explique Christophe Beaudufe, le président de la société des journalistes. Car transformer l'AFP en société anonyme signifie gagner de l'argent et aujourd'hui l'AFP ne peut pas être une entreprise rentable. De notre point de vue, il y a là une volonté de déstabilisation de l'agence».

Des agences d'ingénierie éditoriale ?
Par ailleurs, le rapport Giazzi dessine en creux un système économique adapté aux nouveaux modes de consommation des médias et de circulation des informations : des plateformes multimédias produisant des informations diffusables sur tous supports le tout animé par «des journalistes, en nombre réduit, produisant moins de l'information qu'ils ne jouent au coeur du système un rôle d'ingéniérie éditoriale, mettant les contenus « au format » selon le support, sur des critères d'optimisation du référencement et de maximisation de l'audience en fonction des cibles marketing définies par le service publicité» selon l'analyse du blogueur Narvic.

Moins radical, Christophe Beaudufe reste circonspect sur les capacités de l'agence à assurer ses missions de service public: «Nous avons conscience que le développement multimédia est une obligation et l'agence s'adapte chaque jour mais l'AFP est aussi un service public de l'information, une des plus importantes et plus prestigieuses agences du monde et quel serait, par exemple, l'intérêt pour une entreprise privée de conserver un réseau aussi dense de correspondants en Afrique ou en Amérique du Sud ?»