Quand les "gamins" de Cuba posent les questions qui dérangent

maverick Mer 27 Fév - 19:41

"Si les 6 milliards d'habitants de la planète pouvaient voyager partout, il y aurait un trafic aérien de folie". C'est la réponse (osée) qu'a osé formuler Ricardo Alarcon, président de l'Assemblée nationale cubaine, à la question "Pourquoi le peuple cubain n'a pas le droit de s'héberger dans les hôtels et de voyager à l'étranger ?" posée par des étudiants de l'université des sciences informatiques de Santiago. La scène filmée il y a trois semaines et visible depuis quelques jours sur internet montre le désappointement de Ricardo Alarcon face à ces jeunes cubains qui n'ont pas hésité à critiquer plusieurs points de la politique du pays (en particulier sur l'accès à Internet ou le système électoral). Depuis, de nombreuses copies pirates de cette vidéo circulent à Cuba où on ne parle plus que de cette humiliation à quelques jours d'une réunion du Parlement (le 24/02/08 ) pour élire le nouveau président. Un doute se pose néanmoins sur les auteurs de la fuite qui pourrait avoir été orchestrée par le gouvernement pour déstabiliser l'Assemblée. D'où qu'elle vienne, la vidéo de ceux que l'on surnomme "les gamins de Cuba" a cristallisé les désirs de changement de la population et ont lancé un grand débat. Ce qui n'est pas si courant à Cuba.

Voici la fameuse vidéo en VO. . Ces étudiants se présentent comme des "révolutionnaires convaincus" partisans du régime cubain. "Pourquoi le commerce est-il convertible en pesos convertibles, alors que nos ouvriers et nos paysans sont payés en monnaie nationale, dont la valeur est 25 fois plus faibles", demande un jeune. Ricardo Alarcon assure qu'un projet est "à l'étude" puis ajoute qu'il est "un parfait ignorant sur le sujet". Le président de l'Assemblée paraît aussi désappointé lorsque les étudiants l'interrogent sur les restrictions de l'Etat sur les courriers électroniques ou sur le système nébuleux de vote pour les élections législatives.

Extraits des questions posées par les étudiants traduits en français par France 24

►Manipulation ou censure ? Pendant toute la semaine, des rumeurs (notamment de la presse américaine) ont fait état de l'arrestation d'Eliacer Avila, un des étudiants les plus virulents de la vidéo. D'après Reporters sans Frontières (du 12/02/08 ), Eliécer Avila Cicilia "a été interpellé par des agents de la police politique, le 9 février 2008, à son domicile de Puerto Padre, province Las Tunas" (rsf.org).

►Pourtant, les étudiants cubains ont démenti avoir été arrêtés dans une vidéo diffusée sur le site granma (organe officiel du régime). "A aucun moment je n'ai été arrêté, ma famille est tout à fait tranquille, il n'y a aucun problème", a déclaré Eliécer Avila Cicilia qui certifie n'avoir été victime "d'aucune pression". L'étudiant a ajouté: "Tout ce qui se dit est un mensonge total. Nos propos avaient pour objectif d'améliorer le socialisme et non de le détruire" (romandie.com du 12/02/08 ).

Dans cette vidéo (mise en ligne le 12/02/08 ) où il s'explique, Eliécer Avila Cicilia est assis dans une salle de l'Université et interrogé par une journaliste aux côtés de ses trois camarades qui étaient également intervenus (en espagnol).

►Raúl Castro, chef de l'Etat intérimaire depuis la grave opération intestinale subie par son frère Fidel a invité les Cubains à "s'exprimer avec courage". La presse officielle (totalement sous contrôle du parti communiste) commence depuis peu à glisser commentaires et reportages sur les problèmes du pays (romandie.com du 12/02/08 ).

►Raúl Castro a promis "de grandes décisions" pour le 24/02/08. La grande inconnue reste la décision de Fidel Castro (81 ans) qui devra annoncer s'il renonce à un nouveau mandat et s'il confirme son frère Raúl comme son héritier (levif.be du 09/02/08 ).

►Ricardo Alarcon est le possible successeur de Castro au Conseil d'Etat. Voici ce qu'il pense de la démocratie et de l'ex-leader cubain : "La démocratie est une utopie. Dire que Cuba doit se démocratiser est une idée colonialiste. On ne peut pas remplacer Fidel par un autre, personne n’est clonable." (liberation.fr du 02/02/08).