Betancourt : la version officielle plie mais ne rompt pas

maverick Mar 8 Juil - 20:07

Ingrid Betancourt parle et continue de nous vendre la version officielle de sa libération : de courageux militaires colombiens ont infiltré sans se faire repérer le groupe de Farc qui la détenait et ont transformé un déplacement d'otages en libération. Sauf que la presse suisse raconte que tout ceci est une jolie mise en scène destinée à doper la popularité du président Uribe. On évoque le paiement d'une rançon, la reddition moyennant finance du commandant responsable d'Ingrid Betancourt et le patronage de l'opération par le renseignement américain. Il commence donc à apparaitre que les services extérieurs français n'ont pas participé à cette opération et que l'Elysée a été tenu à l'écart. En attendant que tout ceci ne s'ébruite trop, Nicolas Sarkozy, Bertrand Delanoë et Ségolène Royal tentent de tirer la couverture à eux et veulent leurs photos avec l'ex-otage, dont on commence à se demander si elle n'a pas pris des cours de com' dans la jungle.

Sortez les mouchoirs. À Villacoublay l'émotion est au rendez-vous à la descente d'avion d'Ingrid Betancourt. Les commentaires d'un "expert" à la sixième minute disent explicitement que la France n'était même pas au courant de l'opération au contraire des Américains, ce qui fait rire nerveusement la journaliste.

Cachez cette rançon que je ne saurais voir

► Selon la Radio Suisse Romande qui cite une source proche du dossier, une rançon de 20 millions de dollars aurait été versée pour obtenir la libération des 15 otages dont Ingrid Betancourt. Pierre Gavaud, chef du service étranger de la RSR explique la démarche: "C'est un retournement. Il existe en Colombie un fonds spécial doté de 100 millions de dollars pour retourner les rebelles des Farc".

► Ce serait l'épouse de Géraldo Aguilar alias "César", le gardien d'Ingrid Betancourt, qui aurait servi d'intermédiaire. Arrêtée par l'armée colombienne, elle aurait été réintroduite au sein des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) pour convaincre son époux de se rendre. Un cheval de Troie en quelque sorte. Elle aurait finalement réussie à convaincre son geôlier de mari de se rendre en échange de la rançon. Ce scénario aurait été appuyé par les Américains. (rsr.ch)

► Le quotidien suisse Le Temps parle lui d'une rançon "d'au moins 5 millions de dollars" citant, lui aussi, une source proche du dossier. (letemps.ch)

►►► Les Américains couvrent

► Patrick Sabatier, journaliste au Point, confirme le rôle important des américains en général et de Mc Cain en particulier, dans l'opération de libération des otages. Le candidat républicain à la présidentielle aurait senti le besoin de faire un "coup" pour se montrer dans les habits d'un homme d'état influent. Il y a 15 jours, il aurait décidé de se rendre en Colombie, provoquant l'étonnement jusque dans ses propres rangs : l'Amérique latine n'est pas un enjeu de campagne important, comparé à l'Irak ou à la crise pétrolière.

► De leur côté, les services secrets américains auraient aussi eu un rôle dans l'opération. Ils auraient fourni à l'armée colombienne des images satellite et des écoutes électroniques des preneurs d'otages. C'est aussi une "assistance technique" d'une nature non précisée qui a rendu possible l'action audacieuse et sans bavure du commando colombien. (lepoint.fr)

► Selon une radio militaire israélienne, deux généraux en retraite auraient aidé à mettre en place l'opération. (tdg.ch)

► L'infiltration des Farc par un commando de l'armée (la version officielle) aurait été impossible en raison de l'extrême méfiance et de l'autonomie des Guerilleros. Les autorités colombiennes serait entrées directement en contact avec les groupes détenant les otages politiques grâce à la saisie des ordinateurs de Raul Reyes, numéro 2 des Farc, assassiné par un bombardement de l'armée colombienne sur son campement, en territoire équatorien il y a deux mois.

► Les ordinateurs, expertisés notamment par Interpol, contenaient des milliers de documents (textes, photos, fichier d'emails, numéros de téléphone). Ils ont permis de reconstituer les moyens de liaison par lesquels le " négociateur" des guérilleros pouvait entrer en contact avec le groupe gardant les otages les plus précieux des Farc. Ce système est basé sur des téléphones satellites couplés à des ordinateurs portables sophistiqués et qui se relaient. (mediapart.fr, site payant).

►►► Des thèses démenties par tous les "officiels"

► La principale intéressée dément le versement d'une rançon. Elle estime que le commandant des Farc qui la détenait ne pouvait avoir été acheté : "Lorsque je l'ai vu poings et pieds liés au sol avec les yeux bandés, l'expression de son visage, de sa bouche, n'était pas celle de quelqu'un qu'on a acheté. Il était humilié". (24h.ch)

► "Je ne pense pas qu'on puisse me duper facilement, je ne pense pas que ce que j'ai vu soit une mise en scène", a-t-elle ajouté. "Il y avait un degré de tension (...) C'était tellement stressant que mes camarades ont résisté et ne voulaient pas monter dans l'hélicoptère."

Après coup, "la joie de nous tous et surtout la joie de ceux qui avaient commandé l'opération n'était pas fictive. Si ces personnes-là avaient su d'avance que l'opération était un succès parce que les gens n'allaient pas opposer de résistance (...) l'intensité du bonheur n'aurait pas été la même." (reuters via lexpress.fr)

► Kouchner ne veut pas non plus entendre parler de rançon : "moi, je n'ai jamais entendu parler d'argent. Le président Uribe ne fait pas mention du moindre argent. Et, très clairement, il n'y a pas eu d'argent français. Cette opération commando était seulement une opération d'infiltration, habilement et longuement préparée". (jdd.fr)

► Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, enfonce le clou : "La France n'a aucune raison ni aucun élément pour mettre en doute la version qui a été présentée par les autorités colombiennes. Mais j'aurais tendance à dire que, de toutes façons, peu importe". (jdd.fr)

► Le ministre de la Défense colombien Juan Manuel Santos affirme qu'il n'y a eu aucune rançon de payée et que seuls George Bush et John Mac Cain avait été mis au courant. En visite à Bogota, le candidat républicain aurait été mis au parfum lors d'un diner avec le Président Uribe. (lefigaro.fr)

► Juan Manuel Santos a aussi accusé dans les colonnes du journal colombien El Tiempo un émissaire suisse, Jean-Pierre Gontard, d'avoir donné à Raul Reyes une valise contenant
500 000 dollars, saisie par la suite par l'armée au Costa Rica. Selon le ministre, Jean-Pierre Gontard serait désigné comme le porteur du butin dans un courrier stocké dans l'un des ordinateurs de l'ancien numéro 2 des Farc. Jean-Pierre Gontard était chargé de négocier pour le compte de la France, de l'Espagne et de la Suisse, avec les Farc, Il avait un collègue français. Il s'appelle Noël Saez et est ex-consul de France à Bogota. Il affirme avoir rencontré les Farc quelques jours avant l'opération de l'armée. L'armée aurait attendue que les émissaires quittent le pays pour agir. Noël Saez refuse de confirmer la véracité des accusations du ministre de la défense colombien à l'encontre de son collègue. (lepoint.fr)

► Selon Jacques Homet, journaliste de l'AFP et spécialiste de la Colombie, affirme que la Radio Suisse Romande à l'origine des premiers doutes sur la version officielle de la libération des otages, a été manipulée par les FARC. Il estime que le chiffre de 20 millions de dollars est "ridicule et absurde" comparé aux 500 millions de dollars que les Farc avait demandé en 2003 à la France pour la libération de Betancourt.

Pour répondre aux accusations de mise en scène, l'armée colombienne a diffusé cette vidéo de la libération des otages. On les voit se faire attacher les mains avant de monter dans l'hélicoptère et leur explosion de joie quand ils apprennent qu'ils sont libres.

Ingrid Betancourt revenait hier (6/07) sur France 3 sur sa vie d'otages et sa libération. Elle défend la version officielle.

►►► Elle va bien et peut donc être récupérée tout de suite

► Ingrid Betancourt a passé des examens médicaux au Val de Grace. Les résultats sont bons. Merci. Elle ne souffrirait d'aucune séquelle de ses six ans passés dans la jungle et doit seulement se reposer. Une deuxième série d'examens devraient avoir lieu pour rechercher la trace, présente ou passée, d'un virus de l'hépatite B qu'elle aurait contracté dans la jungle. (ouest-france.fr)

► Elle a déjeuné dimanche (6/07) avec Dominique de Villepin, son ancien prof à Sciences Po.

Les journalistes étaient parfaitement placés pour assister aux retrouvailles entre le prof et l'élève. L'ex-otage s'est ensuite rendue à l'église Saint-Sulpice pour prier. C'est beau comme une opération de com' un conte de fée.

► Dans tous les contes de fée, il faut une fée. Le rôle est tenu par William Perez, caporal de l'armée détenu avec Ingrid Betancourt qui l'a soigné dans la jungle quand elle était "très malade". Le Point à la larme à l'œil :

"Je l'aidais à monter et descendre, elle n'avait plus d'énergie même pour marcher", a souligné l'ange gardien d'Ingrid Betancourt. Les guérilleros avaient parfois des médicaments qu'ils ne savaient pas comment utiliser, et le jeune soldat qui s'en était rendu compte puisait de temps à autre dans leur stock pour soigner l'ancienne candidate des Verts à l'élection présidentielle. "La guérilla était en possession de médicaments mais ne savait pas à quoi ils servaient", a-t-il poursuivi.

► Ingrid Betancourt a adressé, par le biais de la radio colombienne "Caracol", un message aux otages encore aux mains des Farc (afp.google.fr) :
"A ceux qui sont dans la jungle, qui restent là-bas, regardez, vous savez que lorsque je m'engage à quelque chose, je le fais vraiment: pas une seconde, je ne vais cesser de plaider pour votre liberté et d'établir des canaux de communication avec les Farc et avec les pays que nous pouvons mobiliser afin que vous puissiez revenir rapidement. Je le fais déjà, et je continuerai à le faire"

► Nicolas Sarkozy a décidé de mettre Ingrid Betancourt dans la promotion du 14 juillet de la Légion d'honneur, et a invité l'ex-otage franco-colombienne à assister au défilé de la fête nationale, selon une source élyséenne. (europe1.fr)

► Il a promis vendredi à Paris de "continuer" le "combat" pour les otages toujours aux mains de la guérilla colombienne des Farc, interpellé par Ingrid Betancourt qui disait avoir "besoin" de l'aide du chef de l'Etat. (afp.google.fr)

► Elle a vu de la lumière et elle est entrée. Ségolène Royal a estimé Vendredi (4/07) que le président Sarkozy n'y était pour rien dans la libération d'Ingrid Betancourt : "Tout le monde le sait, c'est une opération colombienne rondement menée qui a bien marché, qui prouve que les négociations avec les Farc étaient inutiles et n'avaient débouché sur rien".

► Elle a provoqué un tollé dans les rangs de la majorité, François Fillon l'a qualifiant même de "petite fille au milieu d'une cour de récréation" au comportement "indigne". (lci.fr)

Quand des journalistes ont insinué la même chose que Ségolène Royal lors d'une interview d'Hervé Morin, on a cru qu'on allait le perdre.

Un film racontant la libération d'Ingrid Betancourt serait (déjà) en préparation. C'est un réalisateur colombien qui l'a annoncé (ozap.com)

► Faire un livre pour raconter ce que l'on a vécu, c'est vraiment trop banal. Aussi, Ingrid Betancourt a annoncé qu'elle allait (aussi) écrire une pièce de théatre racontant sa détention, une fois rentrée en Colombie. (lepoint.fr)

► Elle devrait aussi rencontrer le pape Benoit XVI. (lapressecanadienne.ca)