Mariage annulé : la magistrate du tribunal de Lille a reçu des menaces

[maverick]

La magistrate du tribunal de grande instance de Lille qui a décidé d'annuler le mariage d'un couple musulman parce que l'épouse avait menti sur sa virginité "a reçu des menaces [...], des lettres de menaces", a déclaré la ministre de la Justice Rachida Dati, dimanche sur Canal+, en regrettant "l'emballement" autour de cette affaire. Des déclarations aussitôt confirmées par le parquet de Lille. "La magistrate a déposé plainte pour outrage à magistrat et une enquête est en cours", a noté le procureur de la République Philippe Lemaire, qui a précisé qu'il s'agissait de "lettres anonymes".

La garde des Sceaux a également justifié sa position. Après avoir défendu vent debout la décision du tribunal de grande instance de Lille , elle avait finalement demandé au procureur général de la cour d'appel de Douai de faire appel du jugement . "Je n'ai pas changé d'avis. J'ai fait appel pour que les avocats puissent étayer leurs conclusions et leurs demandes", a-t-elle expliqué, en soulignant que la procédure d'appel prévoit qu'"il y aura trois magistrats (et non plus un seul) qui rendront une décision plus circonstanciée". À nouveau, la ministre a martelé que cette décision avait pour but de "protéger" l'épouse : "toute décision de justice est une décision protectrice".

"Ce n'est pas la non-virginité qui a impliqué l'annulation du mariage"

Enfin, sur le fond du dossier, la garde des Sceaux a insisté : "Ce n'est pas la non-virginité qui a impliqué l'annulation du mariage [mais] c'est qu'il y a eu mensonge." Or, l'article 180 du Code civil permet l'annulation du mariage en cas d'erreur "sur les qualités essentielles de la personne".

Un jugement qu'avait considéré comme "parfaitement logique" le défenseur de l'époux, Me Xavier Labbée, dans la mesure où "l'épouse a reconnu qu'elle avait menti". Rejetée par son mari après qu'il eut découvert lors de leur nuit de noces, le 26 juillet 2006, qu'elle n'était pas vierge, l'épouse avait en effet accepté l'annulation devant la crainte d'une procédure trop longue.

Son "acquiescement" à cette annulation "n'était pas un acte de soumission mais de libération", a pour sa part insisté l'avocat de la jeune femme. Politiques, associations de défense des droits de la femme, mais aussi philosophes, à l'image d'Élizabeth Badinter, n'avaient pas caché leur indignation sur cette affaire qui avait suscité un véritable tollé.

Mariage annulé: la juge menacée n'est pas celle qui a rendu le jugement
Menacée pour avoir signé un jugement. La vice-présidente du tribunal de Lille a «reçu des lettres de menaces» après la médiatisation de l'annulation d'un mariage pour mensonge sur la virginité de la mariée. C'est ce qu'a affirmé la ministre de la Justice, Rachida Dati, dimanche.

Or, selon nos informations, ce n'est pas Elisabeth Polle-Senaneuch, dont le nom a été citée dans la presse, qui a rendu le jugement mais une autre magistrate chargée d'instruire le dossier, la rapporteure. «C'est dans son bureau que la décision a été rendue. Elisabeth Polle-Senaneuch n'était pas présente au moment de l'audition des deux parties», affirme Patrick Dupont-Thierry, l'avocat lillois de l'ex-épouse.

La collégialité, qui veut trois magistrats instruisent ensemble depuis l'adoption de la loi du 5 mars 2007 après le fiasco d'Outreau, n'a pas été appliquée dans une affaire qui semblait anodine. Rachida Dati a justement expliqué que la procédure d'appel prévoit qu'«il y aura trois magistrats (et non plus un seul, ndlr) qui rendront une décision plus circonstanciée».