Quand Charasse jouait au chaperon de Tapie

[maverick]

Grand acteur devant l’éternel, Bernard Tapie remonte sur les planches ce mercredi 10 septembre, devant la commission des finances de l’Assemblée, pour s’expliquer sur le magot qu’il vient de percevoir dans le dossier Adidas. Un show qui ne manquera pas de réveiller les nostalgiques du temps de sa splendeur, ou rappeler à ses anciens chaperons de joyeux souvenirs.

Le 10 septembre, le Tapie show fera une longue halte sur les planches de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Le nombre de représentations n’est pas encore arrêté, la liste des têtes d’affiches pas finalisée et même le scénario pas franchement arrêté. Ou du moins son chapitre final. L’objectif annoncé n’est rien de moins que « faire la lumière sur l’arbitrage controversé » dans le dossier Adidas, qui a vu Nanard empocher un joli magot, la classe politique pousser des cris d’orfraie, et la presse consacrer à l’affaire de nombreux dossiers. L’un des plus pertinent est paru dans le Point du 31 juillet, sobrement titré « l’affaire Tapie », revenant à la fois sur le parcours de l’homme, ses réussites et faillites commerciales et les amitiés politiques de l’ancien enfant chéri de la Mitterrandie. Bref, du lourd qui a valu deux petites mises au point du Point. Une première de Tapie, un brin titillé. Une seconde du truculent sénateur à peu près socialiste mais plus en odeur de sainteté au PS, Michel Charasse.

Ce grand amateur de cigare, dont Claude Bartolone a fait « le go-between entre Tapie et Mitterrand » dans le dossier de l’hebdo, a assez mal pris la chose ; comme l’évoque le petit texte qu’il a pondu dans l’édition du 14 août 2008.



La mise au Point de Charasse du 14 août 2008
L’âge aidant, Michel se fait un peu grincheux semble-t-il, niant avoir eu « à servir d’intermédiaire entre François Mitterrand et Bernard Tapie ». Le terme, il est vrai, d’intermédiaire ou de go-between est sans doute mal choisi. À en croire un document exhumé des cendres de l’année 1992, l’alors ministre du Budget a plutôt joué le rôle de chaperon de Nanard, s’enquérant de ses difficultés et de leurs évolutions.



La missive d’information de Charasse à Mitterrand sur le cas Tapie
À l’époque en lice pour redevenir ministre de la ville, Bernard la grande gueule, boss incontesté et adulé de l’OM [plus grand club du monde n’en déplaise à certains] est en bisbille avec le député RPR Georges Tranchant, des casinos du même nom. L’ombre d’une mise en examen plane sur son avenir au gouvernement Bérégovoy. L’histoire date un peu, une querelle de 13 millions de francs entre Tranchant et Tapie quant au rachat et la revente de Toshiba-France.

Aussi Charasse, au détour de conversation avec son alter-ego, le truculent Môssieur Charles Pasqua, informe le Président Mitterrand qu’il n’y a guère de soucis à se faire. Non seulement « Tapie et Tranchant devaient se voir hier pour conclure un accord à l’amiable permettant le retrait de la plainte », mais encore Pasqua « a convaincu Mme Boizette de classer l’affaire si Tranchant retire sa plainte ». Cerise sur le gâteau, « Mme Boizette [1] a encore confirmé hier qu’elle attendait les résultats de la rencontre Tapie-Tranchant pour prendre ses propres décisions ». Bref tout roule.

Bernard Tapie© Kerleroux
Et effectivement, deux semaines plus tard, soit le 18 novembre 1992, Tapie bénéficie d’un non-lieu, tandis que Tranchant se voit rembourser la somme qu’il lui réclamait, soit 13 millions de francs au bas mot.

Seul petite entorse à cette missive aux allures de prophétie, Môssieur Charles ne raflera pas la présidence du Sénat, pour laquelle il demandait « que le groupe PS reste neutre ».

A l’évocation de cette petite missive, enfouie sous seize ans d’actualité politique, le sénateur Charasse a grand-peine à s’en remémorer le contenu exact… « Ce devait être tout au plus un compte rendu de conversation, cela ne veut pas dire que je me suis occupé du cas Tapie », a-t-il répondu à Bakchich. Évidemment. Un chaperon veille mais n’agit pas.