Carrefour poursuit son ancien vigile et Entrevue

[maverick]

Vous souvenez-vous de l'affaire du "vigile" de Carrefour?

Pierre-Damien Kitenge, agent de sécurité au magasin Carrefour (celui du Centre commercial Bercy 2) avait porté plainte, le 26 avril dernier, pour diffamation et injure à caractère racial après avoir été, affirmait-il, traité de "sale noir" et de "sans-papiers" par un client, alors qu'il effectuait les vérifications d'usage pour un paiement par chèque.

Le client en question, Gautier Béranger, étant adjoint du secrétaire général du ministère de l'Immigration (en charge de la communication interne), l'affaire avait fait très grand bruit sur le moment.

Après que Pierre-Damien Kitenge ait fait état de "pressions" exercées sur lui pour qu'il retire sa plainte, la société Carrefour avait communiqué ; expliquant qu'à aucun moment, la direction du magasin n'avait exercé de pression sur lui ou ne lui avait demandé de retirer sa plainte. Selon la direction de Carrefour, il s'agissait d'une affaire entre deux personnes privées, dont Carrefour n'avait été que le "décor". Une note destinée aux collaborateurs du magasin concerné avait même été diffusée en interne pour les inviter à prendre contact avec les services de police, s'ils détenaient des informations susceptibles d'aider les autorités dans leur enquête.

Une fois cette passion et la pression médiatique retombées, le 17 juillet dernier, par décision du parquet de Créteil, la plainte de Pierre-Damien Kitenge était classée sans suite ; comme, d'ailleurs, une plainte pour subornation de témoin(s), déposée, elle, le 20 mai, par SOS Racisme.

Par la suite, très loin des caméras et des micros - déjà repartis vers d'autres aventures...- Kitenge avait été licencié, après avoir refusé une mutation de la société de gardiennage qui l'employait alors.

Mais vous allez découvrir que cette - déjà - triste histoire ne s'est pas arrêtée là.

Pierre-Damien Kitenge avait, en effet, donné, en juin dernier - avant la décision du parquet - une interview au magazine Entrevue [oui, je sais, il aurait pu choisir un autre canard ].



Cette interview dans le numéro 191 d'Entrevue (ci-dessus) lui vaut d'être poursuivi en justice, pour diffamation, par Carrefour Hypermarchés (qui exploite le magasin concerné par les faits), mais aussi par Carrefour SA (société mère et propriétaire de la marque) ; comme Gérard Ponson, directeur de la publication d'Entrevue et la SCPE qui édite Entrevue.

D'après Carrefour & Carrefour (!), qui les ont assignés le 28 juillet (première audience le 6 octobre au TGI de Nanterre), cette interview contiendrait des propos diffamatoires qui "portent incontestablement atteinte à l'honneur et à la considération" de Carrefour...




Dans leur assignation, que j'ai pu consulter (voir doc. ci-dessus), Carrefour & Carrefour n'y vont pas de main morte.

Les deux sociétés réclament "solidairement" à Pierre-Damien Kitenge, Gérard Ponson et à la SCPE ...100 000 euros pour le préjudice qu'elles auraient subi !

25 000 euros pour Carrefour Hypermarchés. Et 75 000 euros pour Carrefour SA.

Outre ces 100 000 euros, Carrefour & Carrefour exigent aussi la publication d'un communiqué en couverture d'Entrevue (7000 euros minimum) et le remboursement des frais de justice ( 7000 euros encore).

Heureusement, le géant des hypermarchés a visiblement le souci de la redistribution... À son profit !

On découvre, en effet, à la fin de l'assignation que Carrefour SA et Carrefour Hypermarchés devront "reverser ces sommes à ... la fondation d'entreprise internationale Carrefour".

Merci pour elle.



Ayant déposé plainte pour diffamation et injure à caractère racial, Pierre-Damien Kitenge n'a pas été suivi par le parquet de Créteil. Puis il a été licencié par sa société. Devra-t-il maintenant subir les conséquences d'une très lourde condamnation ?

Son avocat [mon ami Patrick Klugman], compte bien tout faire pour que l'ancien vigile, désormais chômeur, ne soit pas condamné par la justice à verser à l'un des plus grands groupes français, l'équivalent de dix années d'un salaire qu'il ne touche plus.


À suivre...